100% Snow

Premier dimanche de mars, le soleil se lève sur La Clusaz.  En route pour la station de Praz de Lys Sommand où nous avons rendez-vous avec Armand Marchant, le jeune skieur belge professionnel de 21 ans dont le début de carrière a été brutalement stoppé en janvier 2017 par une grave chute lors du slalom géant d’Aldeboden en Suisse.  Mon ami Jean-Marc Glaude, distributeur du Ski-Mojo avait récemment rencontré Armand et son team à Praz de Lys… « Ce jeune gars est incroyable, il a une volonté de fer et une telle faim…Il faut absolument faire quelque chose pour l’aider à revenir au top ».  J’avais hâte de le rencontrer à mon tour.

9h30, nous avons rendez-vous au départ des remontées mécaniques de Praz de Lys. Casque noir et « BELGIUM  » imprimé en grand dans le bas du dos, impossible de le rater. Nous partageons un café sur une terrasse. D’emblée sans prétention et avec beaucoup d’humilité, il partage avec nous une tranche de sa vie.

« Fin 2016, tout allait bien, nous avions passé un très bel été au Chili et étions de retour pour la Coupe du Monde.  Je marque mes premiers points à Val d’Isère, j’enchaîne avec la manche de Yougoslavie où je skie en full confiance.  J’arrive en Suisse un peu grippé et là, c’est la cata… En fin de parcours, la piste plonge avec un gros trou et une porte qu’il faut vachement anticiper. Je l’ai tapé et mon genou a tout pris.  Les chirurgiens appellent ça un ‘high velocity crash’. Résultat : plateau tibial éclaté, ligaments explosés et ménisque déboité.  Beaucoup ont immédiatement pensé que je ne skierais plus jamais, ma maman – vétérinaire de formation – pensais que je ne remarcherais plus. »

Chaque fois repartir de zéro

Deux ans d’arrêt et sept opérations plus tard, Armand est de retour, plus déterminé et assoiffé que jamais.  « Au départ j’ai été pris en charge par une équipe de trois chirurgiens belges.  C’est un peu comme pour une maison, les premières opérations pour faire le gros œuvre, les suivantes pour le peaufinage, la finition ». 

Loin de la montagne, physiquement et mentalement, cette succession d’interventions et de périodes de rééducation a été difficile à gérer mais Armand n’a jamais douté.  Il a toujours bien été entouré par sa famille, son team et son chirurgien – le professeur Verdonk – lequel a déclaré qu’Armand était son seul patient qui souriait lorsqu’on lui annonçait une nouvelle opération.

« Je ne voulais pas avoir de regrets, je me suis battu pour revenir, j’ai travaillé énormément et surtout j’ai été patient.  Pour moi, il n’y a rien de plus beau que le ski et la montagne.  Deux ans c’est très long mais j’ai vécu tellement de choses durant cette période qu’au final j’ai l’impression que c’est passé très vite »

He’s back

De retour sur les skis depuis décembre 2018, Armand a peaufiné sa rééducation et repris l’entraînement progressif durant tout l’hiver dernier du côté de Praz de Lys.  En compagnie de son entraîneur Raphaël Burtin et de son kiné Thibaut Schnitzler, il a repris avec de plus en plus de confiance le chemin des pistes et des piquets.  « On a même été tester des pistes injectées du côté de Chamonix et çà s’est super bien passé ».  A la veille de ce nouvel hiver, Armand n’est pas loin de son meilleur niveau.  Son objectif est de reprendre la compétition au top mais sans se précipiter.  L’été lui aura également permis de peaufiner sa préparation lors d’un stage en Nouvelle Zélande.

« Entre 18 et 21 ans, blessé ou pas on évolue…  J’ai muri dans ma tête, j’ai appris dans les moments durs qui je suis et ce que je veux vraiment ».

J’ai rarement vu un jeune de cet âge qui dégageait autant de force tranquille et de détermination.

Raphi

Derrière tout bon athlète, il y a un bon coach.  Raphi a détecté le potentiel d’Armand lorsque celui-ci était âgé de 12 ans. Il a convaincu ses parents de lui faire confiance et l’a fait travailler très dur durant de nombreuses années avec la progression et les résultats que l’on sait. Celui qui a couru 10 années en Coupe du Monde et a même participé aux JO vit donc au quotidien avec Armand, le conseille et l’accompagne sur toutes les pistes de la planète.  Un sacré duo… devenu trio entre temps avec l’arrivée du kiné belge. 

« Je n’oublierai jamais ma première rencontre avec Raphi.  C’était à Tignes, il faisait jour blanc.  Il n’osait pas vraiment y aller et je me suis dit que je devais tout donner pour l’impressionner… C’est Raphi qui m’a donné le goût de la compétition.  Il est comme mon père, dur et très exigeant avec moi.  Il m’a tout appris.  Rien que sur un regard on se comprend ».

Technique et vitesse

Le modèle d’Armand, c’est Marcel Hirscher, tout simplement…  « Il est trop fort, c’est un monstre, une légende.  En même temps, il est resté humble et relax ». Lorsqu’on demande à Armand où il se voit dans 10 ans, il répond qu’il espère être  alors un habitué des plus hautes marches des podium. Il souhaite durer et estime qu’en ski c’est tout à fait possible.  Il aime toutes les disciplines , n’a aucune préférence même si les disciplines techniques (slalom, slalom géant…) requièrent moins de maturité et de calme que la descente. «On voit d’ailleurs beaucoup moins de jeunes de 20 ans marquer des points en descente… Mais j’adore. Je suis assez équilibré dans toutes disciplines et j’aimer varier. L’idéal c’est le Combiné ».

Freeride

Même s’il passe davantage de temps sur les pistes, Armand adore le freeride.  « C’est pour moi une forme d’apaisement et de liberté.  Tu fais ta ligne, t’es dans ton flow et cela te procure des sensations de malade.  Le freeride c’est la base du ski et cela t’aide à progresser encore davantage ».

Depuis qu’il a repris l’entraînement, Armand – lorsqu’il skie pour le plaisir – utilise un exosquelette Ski-Mojo.  Les essais ont été très concluants : ils lui ont permis de retrouver d’incroyables sensations en ski libre et l’aident encore à enchainer les heures de glisse en réduisant la fatigue musculaire et surtout articulaire. Convaincus par le potentiel de cet équipement révolutionnaire, Raphi et Thibaut l’ont également adopté.

Demain

Armand a toujours aimé la montagne, tout comme ses parents qui ont ouvert un gîte et sa sœur qui est récemment devenue monitrice de ski. Conscient de la chance qu’il a eu de pouvoir, depuis de nombreuses années, évoluer à un tel niveau et avec l’encadrement de son choix, il aspire à pouvoir transmettre plus tard à d’autres jeunes belges sa passion pour le ski et la compétition.  

Et si son retour n’était pas couronné de succès ?  il avoue y avoir pensé durant sa convalescence et a alors envisagé plusieurs pistes de reconversion.  « Mes parents ont toujours été indépendants et plutôt entrepreneurs donc j’ai plein d’idées si jamais le ski devait s’arrêter.  Cela m’a d’ailleurs aidé à avancer plus sereinement durant ces deux dernières années.  Maintenant je souhaite profiter à fond, on verra jusqu’où cela me mène plus tard.  Tout ce que je peux prendre, je prends ».  

26 août 2019 (un peu moins de trois ans après sa chute) : après un premier podium lors du deuxième slalom de la tournée d’été en Nouvelle-Zélande, à Coronet Peak, Armand renoue enfin avec la victoire lors du Super-G des Winter Games organisés dans la même station.

C’est plutôt bien parti !